Jeux vidéo : marché pro et jeux amateurs

Depuis l’émergence des premiers jeux vidéos on a pu distinguer certains mouvements de fond. Le premier est le résultat d’une tendance naturelle du marché. Il répond à des lois de regroupement capitalistiques face à l’intérêt rencontré par le secteur. Le deuxième est un peu en marge et concerne le secteur des jeux vidéo “amateurs” qui est l’objet de ce site web.

Le marché des jeux vidéo “mainstream”

Dès après l’arrivée des premières consoles de jeux propriétaires, issues de sociétés en situation d’investir un minimum, sont arrivées des plateformes un peu plus ouvertes en terme de développement. Le marché du jeu vidéo a alors donné sa chance, pendant quelques années, à de nombreux créateurs indépendants, voir de petites équipes qui pouvaient se lancer. A côté de ses amateurs créatifs et bourrées d’idées qui se retrouvaient sur un terrain pratiquement vierge, venaient aussi des sociétés de plus en plus structurées: Nintendo, Infogrames, etc… Le marché répondait, l’effervescence entrepreneuriale était là, à tous les niveaux.

La difficulté de se lancer seul sur ce marché

Avec l’évolution et la spécialisation des techniques intervenant dans la réalisation d’un jeu vidéo, un seul programmeur dans sa cuisine (accompagné éventuellement d’un designer) s’est mis à ne plus suffire, ou alors que très rarement, pour proposer un titre à la hauteur des exigences des joueurs. Il faut dire que ces dernières allaient être toujours plus grandes et accompagner aussi l’amélioration technologique (composants, capacités mémoire, possibilités graphiques, vitesses de traitement) : meilleurs graphismes et environnement, meilleures animations, meilleurs concepts, interactivité plus élaborée, scénario plus complexes, fluidité, profondeur, jouabilité, etc…

Pacman est resté loin derrière. Il est plus difficile de percer, en tant qu’indépendant en situation de concurrence structurée et face à desinvestissements importants. Bien sûr, il y a eu et il y aura toujours des exceptions. Quand elles ne peuvent jouer sur les moyens, elles doivent le faire sur l’originalité et le concept. On pense, par exemple, au succès en 2010, d’un jeu come Limbo du studio danois Playdead, même si ce dernier avait été monté par des professionnels déjà aguerris du secteur.

Structuration du marché

Dans ce premier mouvement de l’histoire économique des jeux vidéo, l’offre s’est donc structurée et est montée en investissement pour répondre à une demande croissante. Le marché s’est alors de plus en plus professionnalisé, pour favoriser des logiques de croissances organiques, mais aussi des logiques de croissance par acquisition. Dans ce genre de contexte, les gros distributeurs achètent les petits ou s’en “inspirent” quand ils ne peuvent pas se les payer (ou qu’ils se pensent suffisamment malins pour les copier).

Face à la taille du marché et ses promesses, de nouveaux acteurs continuent bien sûr de se lancer. De leur côté, ces équipes nouvelles souvent réduites et qui décident d’investir (en temps ou en numéraire) ont des perspectives ouvertes. 1. Elles peuvent avoir l’espoir de sortir un titre qui plaira suffisamment pour trouver sa propre économie. 2. Elles peuvent aussi espérer, une fois le produit finalisé, jouer la carte de la revente à un grand groupe (toujours plus simple que de vendre un projet papier). Bien entendu, si le produit marche et se rentabilise, ces nouveaux acteurs auront aussi la liberté de choisir de conserver leur indépendance dans cette jungle. Bref, les milliards de dollars que pèsent l’industrie du jeux vidéo mainstream au niveau mondial en font un marché juteux et créé un contexte hautement spéculatif.

Un bémol en fonction des jeux ciblés

Même si ces grandes lois sont à l’oeuvre, les choses peuvent être nuancées en fonction des différents secteurs du jeu vidéo. Par exemple, les applications mobile ou les micro-jeux ont ouvert de nouveaux types de marchés. Ce n’est pas à dire que les gros players ne s’y trouvent pas mais disons qu’il est plus simple pour certains acteurs nouveaux ou de taille petite à intermédiaire de s’y lancer.

Même si les moyens alloués à la distribution pourront toujours faire une grosse différence, les investissements temps et argent à prévoir pour un micro-jeu ne sont pas les mêmes que pour un MMORPG. Du reste, la frontière devient ici un peu plus floue entre jeux vidéo mainstream (ou du marché principal et officiel ) et jeux vidéo amateurs. Dans le marché des apps ou des micro-jeux, on trouve, en effet, des jeux dits amateurs, qui se lancent. Toutes proportions gardées, la mise à disposition simplifiée de moteurs tel que Unity et Unreal Engine a aussi pu brouiller un peu les cartes en facilitant l’accès à la conception de jeu vidéo à des publics plus larges. Mais revenons donc un peu à ce deuxième secteur des jeux vidéo qui nous intéresse ici, celui des jeux amateurs.

La marché des jeux amateurs

En dehors de ce marché mainstream, la deuxième tendance qui nous intéresse ici, existe en dehors des sentiers battus. Elle consiste en un marché qu’on appelle des “jeux amateurs” ou “jeux vidéo amateurs”. Ce secteur très actif mais qui peut avoir aussi ces contours un peu underground, réunit avant tout des passionnés ou des talents désireux de faire leurs armes dans le monde ludique : graphistes, animateurs, modeleurs 3D, programmeurs, compositeurs de musiques, scénaristes, etc…. Etre amateur et passionné ne signifie pas être dénué de toute ambition. Si l’on fait des jeux, c’est bien pour les faire partager. Il n’est donc pas interdit de rêver voir ses titres conquérir, un jour, un public de joueur le plus large possible. Plus l’investissement en temps et en moyen est grand, plus il est légitime d’avoir envie de voir ses efforts récompensés, et ce qu’il s’agisse d’affiner ses compétences, de gagner un peu en reconnaissance professionnelle ou même de recevoir des compensations financières pour son travail.

Jeux amateurs et jeux amateurs

A ce titre et sans du tout émettre de jugement de valeur, on peut constater la chose suivante : au sein du même secteur des jeux amateurs, on peut distinguer des “niveaux” d’attente et d’investissements entre les différents acteurs qui y évoluent. L’intention et la passion peuvent être la même, mais on ne peut pas comparer un simple bout de code écrit en 5 minutes sur un coin de table (pour se faire plaisir et/ou pour amuser la galerie), à un titre développé par toute une équipe qui passe des mois à concevoir un jeu. Même dans le domaine amateurs, on peut trouver aujourd’hui des projets qui n’ont d’amateurs que le nom : scénarios excellents, graphismes irréprochables, concept fouillé. On trouve aussi du point de vue distribution de vrais stratégies : mise en place d’un site web, demande de contributions, ou appels à lever le fond, ou encore, par exemple, mise en ligne d’un gratuit de qualité évolutif sur google play, lancement d’une app gratuite avec une vraie stratégie de “viralisation”, etc, etc… Dans un cas comme dans l’autre, les stratégies ne sont pas les mêmes, ni les moyens, ni les ambitions.

Une explosion du secteur des jeux amateurs ?

Il y a toujours eu un secteur du jeux amateur, souvent porté d’ailleurs par des programmeurs et des codeurs à leurs heures perdues ou durant leurs années de formation. Pourtant, depuis quelques années, ce secteur semble en voie de “démocratisation” et il pourrait même bien être en train de connaître un véritable regain d’intérêt. Dans les éléments favorisant l’émergence d’un nombre accru de titres, on peut compter avec la mise sur le marché de certains outils de développement pouvant faciliter quelque peu le travail de réalisation. Pour le meilleur comme pour le pire, aux débuts des années 2000, Macromedia avait été un peu le premier à tenter de démocratiser la création de micro-jeux internet avec Flash. Cette techno a depuis, été largement distanciée et Adobe qui l’avait racheté a même renoncé à la maintenir.

Face à ces tentatives de la première heure, des outils comme Unity ou Unreal Engine proposent de véritables solutions, avec environnements 3D et même des librairies de codes. L’idée démocratiser la conception de jeu vidéo. Verra-t-on pour autant l’explosion du secteur des jeux amateurs ? Peut-être. Mais quantité n’est pas qualité aussi attention à ne pas minimiser l’effort. Entre se lancer et réussir, il y a toujours un monde et il faut un peu plus qu’un stylo et un papier pour faire un grand écrivain. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans nos pages.

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